La catastrophe de Fukushima, au-delà de l'extrême compassion qu'elle nous inspire pour les Japonais, est une superbe claque à notre arrogance et à notre illusion de maîtriser nos oeuvres.
Non, nous n'avons pas pris la mesure des efforts de sécurité que les "Acts of God", comme disent certains contrats d'assurance, nous obligent à faire. Et ce n'est pas une question de libéralisme excessif, hélas : la pire catastrophe a eu lieu, jusqu'ici, au royaume du socialisme prolétarien. C'est plus profond, même si la recherche du prix de revient le plus bas est exacerbée dans nos systèmes où tout doit relever du marché et de la concurrence, qui est la rançon des frontières ouvertes sans limites de secteur. C'est plus profond, comme le prouve ce qui se passe au Japon, pays où tout le monde pensait que leur expérience répétée de l'insécurité provoquée par les séismes et les deux bombes (il faut visiter le musée d'Hiroshima !) les avait vaccinés. Il n'en est rien.
Je me souviens d'une conférence d'Oppenheimer (le père de la bombe A) à laquelle j'ai assisté, qui, ayant pris conscience des enjeux, exhortait les gouvernements à ne jamais lâcher la bride du nucléaire. Il parlait à cette époque du militaire. Il dirait sans doute la même chose aujourd'hui du civil, même si les choses y sont plus difficiles à contrôler, puisque s'y mêle inévitablement la question du coût. L'impuissance des gouvernements des Etats dans des questions vitales, mais plus simples (le logement, par exemple) fait craindre le pire ou en tout cas de mauvaises solutions.
Alors, n'est-ce pas là, comme le charbon et l'acier ont fait l'Europe, l'occasion d'une gouvernance mondiale sur le nucléaire civil pour le faire échapper à la toute-puissance des marchés ?
Un article des "Echos" me paraît poser la question de la sécurité des centrales nucléaires de façon pragmatique. La porte est ouverte ; mais, comme une catastrophe chasse l'autre, il me semble que nous disposons de fort peu de temps pour prendre les bonnes décisions.
Merci au Japon de nous y forcer.