Je n'apporte pas ma voix à l'élection du parlement européen et je souhaite en donner brièvement les raisons.
 
L'Europe a été conçue pour laisser aux états nationaux la responsabilité des choix qui les concernent directement. Il lui reste donc à prendre en main ce qui est "supranational". Il y a, pour faire bref, deux façons de s'y prendre :
1 - Rechercher et mettre en oeuvre toutes les actions potentielles dans l'intérêt de l'Europe et cela seulement, pour en faire une puissance forte face aux blocs chinois, indien et américain, en ayant conscience que des conflits d'intérêts sont inévitables. Citons à titre d'exemple l'éducation, la sécurité énergétique, l'indépendance industrielle, le contrôle des mouvements financiers, le respect de ses droits fiscaux, la sécurité des frontières, la capacité militaire, etc.
2 - Prendre part activement aux grands choix mondiaux et en être un relais pour l'Europe, en y défendant autant que possible ses intérêts.
 
Tout le monde peut constater aujourd'hui que c'est la solution 2 qui a été choisie et d'une manière assez molle. Ce choix mondialiste irénique est le plus facile puisqu'il évite les conflits, mais c'est celui de la subordination à qui impose ces grands choix mondiaux. Qui donc alors les impose ?
 
Il est bien évident que, pour l'instant, le leadership est une quasi-exclusivité du monde américain et de ses vecteurs industriels et surtout financiers en attendant que la Chine prenne le relais. Des exemples de ces choix mondialistes ? Non-imposition efficace des GAFAs, application de règles de concurrence mondiale défavorables à l'Europe (fusion avortée des activités ferroviaires Alstom-Siemens), régulation par les USA de nos partenaires commerciaux (Iran délaissé, par exemple, en dépit de contrats signés), totale liberté des mouvements financiers dominés par le monde anglo-saxon et la monnaie dollar, y compris dans les paradis fiscaux sans que l'Europe puisse vraiment réagir, maintien d'une OTAN à la fiabilité incertaine, mais qui fait de l'Europe une base avancée d'intérêts qui ne sont pas les siens et une première cible en cas de conflit, imposition de choix internationaux douteux (alliance avec l'Arabie Saoudite, reprise de la guerre froide avec la Russie qui devrait au contraire être un partenaire privilégié de l'Europe, etc.), engagement de dépenses considérables pour satisfaire l'hystérie mondialiste du carbone aux bases scientifiques encore vacillantes, mais dont les premiers bénéficiaires sont les banques qui financent cette gabegie et qui la promeuvent, etc.
 
Le résultat de cela a été le progressif affaiblissement en Europe de tout ce qui prépare l'avenir, au bénéfice de ceux qui font les règles, les USA aujourd'hui et la Chine demain, sans que les institutions européennes n'organisent une quelconque contre-attaque. Désindustrialisation massive généralisée et en particulier un vide abyssal en électronique des composants comme des équipements, industrie dont tout dépend (il n'y a plus d'entreprise européenne de taille mondiale), une absence dans la révolution de l'intelligence artificielle (seuls la Chine et les USA y travaillent avec des moyens adaptés), une progressive régression des niveaux d'éducation des Européens par rapport au reste du monde, etc. L'Europe devient un grand parc d'attractions et les Européens vieillissants consomment, aidés par leurs systèmes sociaux de redistribution, mais oublie d'investir pour le futur. L'institution européenne a été dans ces domaines totalement muette et n'a jamais su construire les fondements d'une réaction à cette situation où, justement, une coopération des états était vitale. Les états voudraient-ils d'ailleurs investir que l'institution européenne actuelle ne leur rendrait pas la vie facile, intentionnellement ou non, car sans stratégie lisible, contrainte à saupoudrer ses actions entre 27 états et placée comme elle l'est sous la coupe d'intérêts qui ne sont pas les nôtres. Airbus, par exemple, serait impossible à créer aujourd'hui dans la jungle européenne, pas plus que le CERN. 
 
En un mot, les institutions européennes actuelles, sans stratégie propre, sont volontairement ou non au service d'intérêts mondiaux qui ne sont pas ceux de l'Europe. Elle retrouvera mon vote lorsqu'elle se mettra au service des intérêts de l'Europe pour en faire une puissance forte capable de rendre espoir à ceux qui y vivent.