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L'Iran et sa volonté affichée de se doter d'une expérience technique nucléaire m'inspirent plusieurs remarques. Suffisent-elles pour se faire une opinion sur le sujet ? Certainement non, mais le sujet est important.
Il me semble, en particulier que tous les états ne doivent pas être traités de la même manière et que la vocation de certains au suicide, n'a pas été suffisemment prise en compte.

1 - L'actuel traité de non-prolifération est une référence douteuse et moralement vacillante. Les états qui renoncèrent à acquérir le nucléaire militaire le firent parce qu'en échange, ceux qui le possédaient s'engageaient à y renoncer. Nul n'a tenu ses promesses.

2 - Certains états ont délibérément violé ce traité : Corée du Nord, Inde, Israël, Pakistan, etc., sans mentionner ceux qui se cachent, dont probablement l'Iran. Pourquoi Corée du Nord et Iran (et demain, sans doute, Le Pakistan), sont-ils montrés du doigt, et non Israël ou l'Inde. Parce qu'ils font peur. Pourquoi ?

3 - Un début de réponse est dans l'histoire. En 1962, sans Khroutchev, s'opposant à Castro et Guevara fanatiques, nous avions droit à un conflit nucléaire. Mikoyan avait ironiquement répondu à Castro : "Nous avons compris que vous étiez prêt à mourir en beauté, mais nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de le faire". D'un côté la jubilation fanatique et suicidaire des idéalistes fous, mais irresponsables et de l'autre côté un chef d'état ennemi, mais conservant le sens de ses responsabilités vis-à-vis de son peuple.


4 - Si on accepte ce clivage du suicide accepté ou non, il devient évident que les concepts de dissuasion cessent d'être opératoires si l'une des parties en conflit fait passer son idéologie avant sa survie. Il ne suffit donc pas, dans l'absolu, de prétendre que l'équilibre de la terreur empêchera le conflit nucléaire. Monsieur Castro l'avait accepté le suicide généralisé, mais, heureusement, il avait des comptes à rendre aux Russes et ne disposait pas seul du bouton fatal.

5 - Il me semble donc que deux familles d'action sont jouables, selon les conditions réelles que la diplomatie doit apprécier :

- L'une est la politique actuellement suivie vis-à-vis de l'Iran : vous n'êtes pas autorisés à fabriquer des armes nucléaires. Cette voie est la seule possible en face d'un pays "suicidaire". Il s'agit bien entendu d'une position de force, que justifie notre souci de protection et qu'il n'est nul besoin de justifier par un traité que nous ne respectons pas nous-mêmes. Mais pour tenir une position de force, il faut être fort et crédible. C'est encore le cas pour les USA, pas pour l'Europe (C'est quoi, l'Europe ?).

- L'autre est de faire en sorte, que l'Etat suicidaire cesse de l'être. C'est ce qui a eu lieu en Chine, tout au moins jusqu'ici. Une seule solution pour y parvenir : cet état doit se sentir un avenir, participer à la vie du monde et avoir quelque chose à perdre. La voie royale est le développement économique. Nous avons contribué à celui de la Chine en achetant ses produits, nous avons bien fait.

6 - L'Iran aujourd'hui devrait relever de la seconde famille. Mais est-ce réaliste ? A quel Iran parle-t-on, dans les soubresauts actuels ? Et, encore plus grave, qui a aujourd'hui l'autorité, la solidité, la pérennité, la force, pour assumer ce choix et le mettre en oeuvre dans le camp occidental ? Les gesticulations actuelles sont contre-productives, en ce qu'elles étalent faiblesse et irrésolution. Difficile, n'est-ce pas ?

7 - L'importance de la diplomatie dans les relations internationales est plus critique qu'elle ne l'a jamais été. Apprécier les situations changeantes, comprendre les forces et les soutiens éventuels de chacun, mesurer le réalisme, ou l'idéalisme suicidaire, des uns ou des autres, voilà le rôle de la diplomatie. On en parle, à mon avis, trop peu. Il ne suffit pas de compter les hommes et le matériel jetés dans les conflits. Sans politique structurée et cohérente, c'est du gaspillage, comme on le voit en Irak ou en Afghanistan. Le rôle de la diplomatie devant l'évolution des situations me parait aussi essentiel, car les pays les plus respectables, entraînés par leurs illusions peuvent basculer vers la folie, comme France et Allemagne en 1914, l'Allemagne de Hitler en 1939 et le Japon en 1944. Encore faut-il en prendre conscience à temps. Il n'y a sans doute pas d'alternative à la puissance militaire. Mais son usage est un art délicat qui passe d'abord par la diplomatie.

Ref. Certaines réflexions sont issues de la lecture de la revue "Commentaire" No 127.