La violence quotidienne inquiète. Chacun veut obtenir, au besoin par la force, ce qu'il estime être son droit, son bien, ce qui lui revient. Car chacun, dans sa sphère, sait que sa situation n'est pas optimale et qu'un mieux est possible, mais que pour l'atteindre, il faut lutter.
Cette violence banale (du citoyen privé, du chef d'entreprise, du syndicaliste ou du gangster entre autres) qui, contrôlée, a son dynamisme, est aussi celle d'un peuple en guerre, mais elle s'accomplit alors avec des moyens plus puissants. Il n'en reste pas moins que l'enthousiasme du peuple pour la guerre est une donnée historique constante jamais prise en défaut. Il y a toujours quelque chose à gagner ou à défendre ! Il faut se croire au paradis ou ne plus percevoir comment progresser pour que ce goût du sang se calme un peu. Non, le peuple livré à lui-même n'est jamais un facteur de paix.
Alors, qui a intérêt à la paix ? Qui (ou quoi) va agir pour la maintenir, l'imposer même si nécessaire ? Ceux qui défendent un ordre auquel ils croient, quel qu'il soit, et qui doivent empêcher que leurs éléments constitutifs se déchirent. Car, en ne le faisant pas, ils mettraient en cause l'existence même de cet ordre : un empire et ses nations, une nation et ses citoyens, une mafia et ses affidés etc. Et quand ce pouvoir, garant de paix, perd sa puissance et les moyens ou l'envie d'imposer son ordre, la guerre du peuple reprend.
C'est en cela que les démocraties, qui tentent plus souvent d'obtenir l'assentiment qu'imposer, jouent un jeu particulièrement délicat. Lorsqu'elles n'ont plus la force ni le goût de contraindre leurs citoyens à respecter l'intérêt général, ou lorsqu'elles doutent d'elles-mêmes, alors les factions, les corporatismes, les communautarismes, les clans prennent le pouvoir absent. Weimar a donné Hitler, la république chinoise faible et corrompue Mao, etc.
Où en sommes-nous en France ? Il me semble que nous entrons depuis une vingtaine d'années dans un état d'impuissance des pouvoirs qui est maintenant perçu par tous et auquel l'Europe a puissamment contribué. Il n'y a pas de divorce entre le pouvoir et le peuple, comme on le dit souvent. Il n'y a tout simplement plus de pouvoir. Les grands sujets d'intérêt général ne sont plus traités : économie en perte de compétitivité, recherche maltraitée, vieillissement non financé, éducation, assurance santé, etc. Le comble du désespoir devant cette impuissance a été récemment illustré par ce député en grève de la faim...
Alors ne nous cachons pas que la paix civile est menacée puisque l'autorité qui doit et peut maintenir la paix est aux abonnés absents. Les forces qui souhaitent "lutter'' c'est à dire casser et prendre, le peuple, vous et moi, sont libres.
Merci Messieurs Mitterrand, Chirac entre autres. Vous ne serez plus là pour voir la conséquence de votre désenchantement et de votre faiblesse. Merci aussi aux institutions dévoyées qui ont permis cela, car la démocratie ce n'est pas le peuple. C'est le peuple + ses institutions + les élus qui les font vivre.