algorithme
 
 
 
Pour la première fois, à l'occasion des présidentielles de 2017, deux visions opposées de la démocratie sont proposées aux électeurs.
L'une, traditionnelle, présente des idées, une vision politique. C'est le cas de la majorité des candidats qui disent aux électeurs "voici ce que je propose et le programme qui en découle". C'est la démocratie politique, une compétition de projets. L'acte démocratique est le vote, qui fait le choix.
L'autre, tout à l'opposé, scrute les attentes des électeurs et les leurs retournent, comme si il s'agissait d'un programme. Un algorithme s'est substitué à la pensée, qui parle mieux que la première approche aux egos des électeurs.

Il va falloir choisir...
 
Aujourd'hui, en partie grâce (?) à l'évolution des moyens de calcul, cette autre approche est devenue possible. Emmanuel Macron (EM) en a fait sa marque, sans doute contraint par son absence de parti de soutien, qui aurait pu et dû lui préparer son projet, ses idées, sa vision politique. Et ce n'est pas sa relative proximité avec un parti socialiste, divisé, déchiré même, qui aurait pu l'aider. Alors, comment s'y prendre, vu les délais ?
 
Dans un article de la revue d'informatique "01net" de novembre 2016 (No 853), la réponse est déjà là. Au lieu de demander à des "think tanks" des visions toujours discutables, en particulier quant à leur mise en oeuvre, EM prend une autre voie. Il s'adresse à des linguistes et des experts de l'analyse quantitative du langage du cabinet de stratégie LMP avec l'aide d'une société spécialisée dans le traitement automatisé du langage, PROXEM. Ceux-ci vont travailler sur les enregistrements de 4000 interviews portant sur 8 questions générales sur ce qui va ou ne va pas en France. Tout cela, décortiqué, est le coeur du "programme" de EM, qui saura y ajouter quelques éléments politiques, moins "algorithmiques", pour ne pas trop laisser sur leur faim d'éventuels électeurs qui pensent encore que la démocratie est un débat d'idées que le peuple tranche.
 
Nous voici donc entrés pour de bon dans la politique du fil de l'eau, conjoncturelle disait Giscard qui en rêvait déjà, mais n'avait pas d'ordinateur. Le peuple n'est plus tiré par les idées (le socialisme, la religion, le nationalisme, la race, les lumières, etc.) que les politiques avaient mission de leur proposer, pour le meilleur et pour le pire. C'est exactement l'inverse : les politiques sont là pour ausculter, répéter ce que la masse attend, gérer les soubresauts de l'opinion. Gérer, caresser l'ego du monstre dans le sens du poil. Une politique minimaliste, mouvante, en miroir. D'un guide, certes parfois dangereux, l'homme politique est devenu une simple courroie, gestionnaire algorithmique des volontés changeantes de la masse. Et cet asservissement du politique au décodage de l'opinion par les machines serait un "progressisme" ? Langue de bois d'un apprenti sorcier, ce qui ne le rend pas moins dangereux.
 
Car si succès il y a, c'est à cette mécanique de calcul que l'hommage sera rendu pour "gouverner". Et, pour garder la faveur du peuple, notre homme ne manquera pas de faire durer, voire même en continu, cette substitution de la pensée par la machine. Chaque jour alors exposera les percées de la nuit, générées par l'ordinateur à l'écoute des masses. Magnifique soumission futuriste à l'ego des citoyens, ravis de retrouver, ainsi repris et hissés au rang de pensées politiques, leurs caprices intimes décodés.
 

Sans doute la réalité corrigera-t-elle cela. Mais il me semble nécessaire, lorsqu'on le ressent, de faire partager les signes d'émergence d'une tendance de notre vie politique. Je la trouve létale, car je ne pense pas que le marketing, aussi mathématique soit-il, puisse remplacer la réflexion et le débat. Mettre ainsi la politique cul par-dessus tête risque, un jour, de lui faire perdre, précisément, la tête.

 

11 juillet 2017

L'analyse ci-dessus semble confirmée par les positions successives prises par le gouvernement ces derniers jours au sujet des reports des annonces fiscales. Sans doute l'opinion, suivie au jour le jour, l'a contraint à changer de cap. On parle de flou ? De manque de cap ferme ? C'est la contrepartie de l'asservissement assumé à l'opinion et ça ne devrait pas changer. Attendons le prochain zig-zag.