Notre économie se dit une "économie de marché", modèle économique qui fait du prix une conséquence automatique d'un équilibre libre et volontaire entre le désir de posséder un bien ou un service et le coût des matières, des investissements et de la main-d'œuvre nécessaires à leur production.
 
Sommes-nous encore dans ce modèle économique ?

Il a bien des conséquences positives : augmentation de l'efficacité de production par des offres concurrentes et donc augmentation du pouvoir d'achat, récompense à l'innovation, substitution plus ou moins progressive de produits et services par d'autres, plus adaptés, automaticité des corrections économiques, etc. Et, indirectement, augmentation du niveau d'éducation, parallèle au contenu technologique croissant des biens proposés.
Ce modèle n'est d'ailleurs pas plus un choix que celui d'avoir 2 bras et 2 jambes, c'est le résultat d'une évolution "génétique" qui a peu à peu montré son efficacité en dépit de sa dureté sociale. Et, pour moi aujourd'hui, les rêves d'une "autre économie" relèvent de la manipulation génétique, avec les risques qui y sont liés. L'histoire du communisme, par exemple, est celle d'une illusion, morte de faim. 
Seulement, voilà, cette "économie de marché" a des règles de fonctionnement pour apporter ce qu'elle a de positif. Un équilibre est un équilibre et mettre le doigt sur un plateau de la balance a des conséquences ! De même, restreindre la liberté de choix des acteurs, en général en les achetant (santé ou éducation, par exemple), est une distorsion qui a des suites.
 
Alors, regardons où nous en sommes, tout en gardant en mémoire que chaque violation consciente de cet équilibre a eu souvent un objectif social louable.
 
- La fiscalité est le premier facteur de distorsion. Pensons aux carburants, par exemple. La TVA a été une tentative réussie de taxer en proportion du service rendu. Mais alors pourquoi des taux variables ?
- L'énergie a des prix artificiels. EDF qui doit assurer l'investissement de nouvelles capacités et l'entretien puis le démantèlement de ses anciennes centrales nucléaires est empêchée de pratiquer un prix qui le lui permettrait. Et cela aboutit au risque annoncé d'insuffisance de production si l'hiver est froid ! Mais surtout, avec la récente folie des "énergies renouvelables" subventionnées parfois à 75%, ce n'est plus le doigt, mais le poing qu'on met sur la balance ! Quelle incitation ont-elles à devenir efficaces, puisqu'elles sont payées sans l'être ?
- L'agriculture présente une situation encore plus sournoise. Les milliards de la PAC faussent évidemment les prix, mais surtout, lorsqu'on approche les "nouveaux agriculteurs" on découvre des chasseurs de primes : des dizaines de petits mécanismes d'aide à ceci ou cela, des taux de l'argent distordus, des services gratuits, de l'eau gratuite souvent gaspillée, des primes à l'arrachage suivies de primes à la plantation, etc. 
- Les transports où l'inéquité est souveraine. N'oublions pas que la SNCF a une perte égale à son chiffre d'affaire (sic), ce qu'elle cache honteusement dans ses comptes et qui ne se révèle qu'à la lecture des comptes de son ministère de tutelle. Et elle continue à faire rouler des TER souvent vides et un fret sans marchandises. Pourquoi pas des subventions aux carrosses ou aux chars à bras ? Quelle incitation a la SNCF à améliorer son service et ses coûts, si elle est protégée aussi totalement de la concurrence ?
- L'éducation ne se paie pas non plus à son prix. Que ce soit une mission publique de donner gratuitement à tout français un socle de connaissance et d'apprentissage de nos coutumes communautaires, je le comprends. Obligatoire, donc gratuit, soit. Mais au-delà, pourquoi ? On voit bien que les écoles privées, souvent très coûteuses, ont des acheteurs. Alors pourquoi pas l'Université ? Je voudrais même avancer l'hypothèse que sa gratuité, face à ceux qui ne la pratiquent pas, est sans doute une des causes de sa décadence. Nous sommes dans un monde où ce qui est gratuit ne vaut rien...
- La santé est un autre secteur ubuesque. On a la richesse suffisante pour se payer à fumer, à boire, à aller au spectacle, etc., mais pas pour se soigner ? Au nom de quoi ? En conséquence de cela, ce secteur n'a plus aucun contrôle financier possible et chaque trou de l'assurance est rempli par le trou suivant. Et les médecins, autrefois libéraux, sont devenus des techniciens quasi salariés. Douce servitude volontaire.
- Les retraites des fonctionnaires qui ne cotisent que de façon infime. Ça ne coûte rien de se constituer une retraite ? Et qui paye celle des fonctionnaires, puisque pour eux, elle est pratiquement gratuite ? Et on nous parle de "système par répartition" sans l'appliquer à 25% des travailleurs... Encore de la gratuité sans fondement.
- Le travail voit aussi son coût perturbé par les taxes, les aides complexes à l'emploi, sans parler de la subvention massive à l'oisiveté, qui commence à faire problème.
 
Arrêtons là une liste d'exemples que l'on pourrait sans mal établir plus longue. Bien entendu, un souci charitable (parfois idéologique) a animé les auteurs de ces distorsions de prix des produits et services. L'enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. Mais nul ne peut plus prétendre sans plaisanter que nous sommes encore en  "économie de marché" quand les prix des biens et services sont arbitrés hors du marché pour une telle part de la production nationale. Est-ce bien ou mal ? Je ne le sais pas. Mais ce que je sais est que nous nous privons des conséquences positives du modèle et de ses automatismes régulateurs. Je sais aussi que tous ceux qui ont cru pouvoir se mettre en dehors du modèle ont échoué.
 
Il me semble donc important d'abord de prendre conscience de cette distorsion, qui va croissant, est autant de droite que de gauche, et qui nous fait entrer sournoisement en économie dirigée, cette servitude douce qui séduit tant et correspond si bien à l'esprit actuel des masses. Et surtout, notons que cette direction des prix et donc de l'économie, est le fait de politiques qui n'ont plus la confiance du peuple et dont la compétence fait problème face à leurs échecs répétés. Où est la sagesse de leur laisser les rênes d'un domaine crucial où ils se trompent tant ?
 
Alors peut-être qu'un peu plus de marché nous protégerait de dérives incontrôlables qui commencent à devenir évidentes. Nous les comblons par une dette que paieront nos descendants. Est-ce solide ? Est-ce digne ? Ne serait-ce pas la première urgence d'un gouvernement de prendre conscience des risques économiques du dirigisme et de réintroduire des mécanismes qui ont fait leurs preuves ? En les complétant si nécessaire par des aides à la personne, ce qui permettrait une révision, entre autres, des près de 400 types d'allocations actuellement en vigueur en France.
 
Qu'en pense votre député ?