Le commerce équitable : du marketing pas net

Il y a des expressions qui font fortune, comme celle-ci et dont l'ambiguïté confine au mensonge. Il y en a eu d'autres, souvenez-vous, comme socialisme scientifique ou indulgences plénières qui on un jour ou l'autre révélé leur vide. Pourquoi cela ? L'origine est toujours la même : le promoteur d'une idée ou d'un produit qui ne réussit pas avec les arguments de vente conventionnels (comme prix, qualité, efficacité ) utilise alors des arguments de vente qui le sont moins et en général immatériels et invérifiables. Et si cela caresse le consommateur dans le sens du poil, ce dernier tombe dans le panneau.

Contentons-nous ici du soi-disant "commerce équitable". Un rappel, d'abord : le commerce est l'acte d'échanger un produit ou un service pour un autre ou pour de la monnaie dans un contexte diversifié et ouvert, le marché. Il faut donc une offre (produit ou service), un marché, un vendeur et un acheteur. On aboutira à un compromis après que acheteurs et vendeurs aient échangé leurs arguments, les premiers à la baisse , les seconds à la hausse autour de la valeur des offres.

Chacun essaie de défaire l'argumentation de l'autre pour faire triompher la sienne. Ce sont souvent des critères objectifs (solidité, prix, service, disponibilité, etc.) qui entraînent la décision.

Mais voilà que cette stratégie marketing "objective'' se trouve perturbée quand certains protagonistes introduisent des critères non objectifs et essentiellement immatériels. C'est bien entendu ce qui se passe ici.

Un astucieux spécialiste de marketing va essayer d'ajouter à son offre des critères moraux : rendre justice aux malheureux producteurs. Qui ne souscrirait pas à cela ? Tout le monde souhaite être juste, rémunérer équitablement le travail etc... Et, en achetant par ce canal "équitable'', les consciences, éperdues de bonnes actions, croient pouvoir trouver matière à s'exercer.

Sauf deux points :

1 - Vouloir attribuer à des produits des atouts intangibles les rend fragiles, à la mesure de l'argument utilisé. La quasi-supercherie de l'"équitable'' finira par se voir et les produits se retrouveront nus, pour ce qu'ils sont objectivement.

2 - Notre astucieux moraliste en marketing détourne ainsi les produits des circuits et des marchés traditionnels. Il essaye de se rendre incontournable (même s'il s'en défend !) et à terme, comme tous les monopoles, s'efforcera d'en faire son profit. Les produits, aux canaux de ventes pas assez diversifiés se retrouveront piégés, sortis du marché, dans une situation que je ne leur envie pas.

Je trouve malhonnête (argument moral...) d'enfermer des producteurs, assez faibles par ailleurs, dans de telles supercheries. Car, comme toutes les offres gonflées aux hormones, le commerce équitable aura le même sort que les mensonges de la même espèce. Entre temps, ce ne seront pas les producteurs qui se seront enrichis.

Je trouve enfin injurieux et diffamatoire pour ceux qui font le travail de rechercher et mettre à disposition des consommateurs les produits nécessaires, de laisser penser, par le fait qu'existerait un soi-disant "commerce équitable", que le leur ne l'est pas.