Climategate : Suivez l’argent à la trace

 

par Bret Stephens le jeudi 3 décembre 2009.

Article paru le 30 novembre 2009 dans le Wall Street Journal (traduction de Martin Masse, chercheur associé à l’IEM).

L’an dernier, ExxonMobil a donné 7 millions $ à une variété d’instituts spécialisés dans les politiques publiques. En lisant certains des reportages parus dans la presse sur ces dons, on pourrait croire qu’il s’agit du scandale du siècle. Mais grâce aux événements qui se déroulent en ce moment sous le nom de Climategate, on se rend compte qu’en fait le véritable scandale est ailleurs.



 

L’an dernier, ExxonMobil a donné 7 millions $ à une variété d’instituts spécialisés dans les politiques publiques, dont le Aspen Institute, Asia Society et Transparency International. La compagnie a également donné un montant total de 125 000 $ au Heritage Institute et au National Center for Policy Analysis, deux think tanks conservateurs qui proposent des perspectives allant à l’encontre des idées reçues sur ce qu’on appelait jusqu’à récemment – sans ironie – le « consensus » sur les changements climatiques.

En lisant certains des reportages parus dans la presse sur ces dons – qui correspondent à environ 0,0027% des profits de 45 milliards $ d’Exxon en 2008 –, on pourrait croire qu’il s’agit du scandale du siècle. Mais grâce aux événements qui se déroulent en ce moment sous le nom de Climategate, on se rend compte qu’en fait le véritable scandale est ailleurs.

Le Climategate, comme les lecteurs de nos pages le savent, implique certains des climatologues les plus renommés du monde et nous les dévoile en train de bloquer des demandes d’accès à l’information, d’évincer des scientifiques dissidents, de corrompre le processus de révision par les pairs et de dissimuler, détruire ou manipuler des données dérangeantes sur les températures. Tous ces faits ont été mis au jour par la diffusion la semaine dernière de milliers de courriels de l’Unité de recherche climatique (CRU) de l’Université d’East Anglia.

La question la plus pertinente est cependant pourquoi des scientifiques agissent de cette façon, surtout lorsqu’on entend dire que la science qui soutient la thèse du réchauffement causé par l’homme est très fermement établie. Pour répondre à cette question, il est utile d’appliquer aux alarmistes eux-mêmes la méthode qu’ils ont souvent utilisée, c’est-à-dire de suivre l’argent à la trace.

Penchons-nous d’abord sur le cas de Phil Jones, le directeur du CRU et l’homme au centre du Climategate. Selon l’un des documents piratés en provenance de son centre, M. Jones a été le récipiendaire (ou le co-récipiendaire) de quelque 19 millions $ en subventions à la recherche de 2000 à 2006, soit une multiplication par six des sommes qu’il a reçues dans les années 1990.

Pourquoi l’argent a-t-il afflué si rapidement ? Parce que l’alarme climatique continuait de sonner fort : plus elle sonnait fort, plus les sommes étaient élevées. Et qui était mieux placé pour la sonner fort que des gens comme M. Jones, l’un des bénéficiaires les plus probables ? Les plus récents crédits budgétaires adoptés par la Commission européenne pour financer la recherche sur le climat s’élèvent à près de 3 milliards $, et c’est sans compter les fonds en provenance des gouvernements membres de l’Union. Aux États-Unis, la Chambre des représentants prévoit dépenser 1,3 milliard $ sur les travaux de la NASA dans le domaine du climat, 400 millions sur la NOAA [National Oceanic and Atmospheric Administration] et un autre 300 millions $ pour la National Science Foundation. Les États apportent aussi de l’eau au moulin, la Californie – qui n’est apparemment pas en faillite lorsqu’il s’agit de ces questions – consacrant 600 millions $ à son propre programme de lutte contre les changements climatiques.

Et, selon les estimations de la Banque HSBC, tout ceci n’est qu’une fraction des 94 milliards $ dépensés à travers le monde sur ce qu’elle appelle « le plan de relance vert », c’est-à-dire principalement sur la production d’éthanol et d’autres projets de développement d’énergies alternatives, des projets dont Al Gore et ses partenaires chez Kleiner Perkins espèrent tirer de généreux bénéfices.

Comme on le sait, l’offre crée sa propre demande. Ainsi, pour chaque milliard additionnel de subventions gouvernementales à la recherche (ou les dizaines de millions fournis par des fondations telles que Pew Charitable Trusts), des universités, des instituts de recherche, des groupes de pression et leurs diverses filiales et organisations dérivées sont soudainement apparus pour les recevoir.

Ces groupes forment aujourd’hui leur propre écosystème. Ils comprennent non seulement les mouvements bien établis tels le Sierra Club ou Greenpeace, mais également Ozone Action, Clean Air Cool Planet, Americans for Equitable Climate Change Solutions, Alternative Energy Resources Association, California Climate Action Registry, etc. Tous ont reçu du financement relié aux changements climatiques, et tous doivent donc croire en la réalité du réchauffement climatique (et d’une catastrophe imminente), tout comme un prêtre doit croire dans l’existence de Dieu.

Aucune de ces organisations n’est en soi corrompue, dans le sens où les fonds qu’elles reçoivent servent à autre chose qu’à leur usage dédié. Mais elles s’appuient toutes sur une position corruptrice, c’est-à-dire que l’hypothèse dont dépend leur gagne-pain a en fait été démontrée. Sans cette preuve, tout ce qu’elles représentent – y compris les milliers d’emplois qu’elles fournissent à leurs militants – disparaît. C’est ce qu’on appelle avoir un intérêt direct à ce qu’une position soit celle qui domine, et de tels intérêts sont l’ennemi d’un processus scientifique sain.

Ce qui nous ramène aux climatologues, les gardiens de l’accès au saint des saints du réchauffement climatique. Dans l’un des documents les plus révélateurs mis au jour la semaine dernière, un programmeur écrit à propos de la base de données du CRU : « Je suis vraiment désolé de devoir vous dire que le reste des bases de données semble dans un presque aussi mauvais état que l’était celle de l’Australie. Grrrrrr ! Il n’y a vraiment aucune lumière au bout du tunnel. On peut obtenir un résultat qui se tient, mais uniquement en incluant un tas de cochonneries ! »

Ceci n’est pas une expression d’une science bien établie, mais plutôt de fondations empiriques qui commencent à craquer. Et quel que soit le nombre de constructions qu’on a érigées dessus à coups de milliards de dollars, elles finiront un jour ou l’autre par s’effondrer.

Bret Stephens est chroniqueur au Wall Street Journal.