Il me semble que si la philo a un sens, c'est de nous aider à vivre, exigence que la philo germanopratine avait un peu oubliée. Faire ce qu'on dit, proposaient les Grecs...
Alors quel est aujourd'hui ce qui, au premier chef, nous rend la vie difficile, tant à titre privé que pour la collectivité ? La mort de Dieu. Nietzsche l'avait bien perçu, mais il croyait que ce serait une chance. Or, c'est une malédiction. Car Dieu, ses dogmes, ses préceptes, sa morale, aussi infondés fussent-ils, donnaient un ordre à la collectivité qui lui faisait allégeance et donnaient un sens au destin des hommes, ordre et sens devenus irrecevables aujourd'hui pour les 80% qui n'ont pas de foi ou une foi de convenance et doutent. Quelle merveille, n'est-ce pas, ce réservoir de vérités, de solutions, infiniment justes et bonnes, indiscutables, puisqu'issu des sphères de l'absolu ? Chacun avait sa place, son rôle et l'homme obéissant y trouvait une paix acceptable.
Tout cela n'est plus, détruit par le savoir qui a ridiculisé la morgue des porteurs de vérité, mais qui a surtout apporté un espoir immense de vie matérielle meilleure. Promesse tenue qui ne suppose aucune foi particulière. A-t-il pour autant apporté le bonheur ? Non, je ne le pense pas, mais l'espoir restait. La religion des dieux fut remplacée par celle de la consommation, qui n'est d'ailleurs pas moins exigeante que la précédente. Hitler et Lénine, conscients de la faiblesse morale de cette nouvelle religion ont tenté la leur, celle de la race pour l'un, du prolétaire pour l'autre. Avec des résultats effroyables, mais surtout qui ont eu pour conséquence de mettre en doute la capacité de l'homme à trouver seul des vérités assez fortes pour que l'espoir persiste et que les communautés soient en paix. Quand à cela s'ajoute aujourd'hui un incontestable essoufflement de cet espoir de vie matérielle meilleure et que l'inégalité éclate à nos yeux, sans un ordre social qui la justifie, alors le vide devient insupportable. Il l'est jusqu'au désespoir pour certains.
Je ne partage pas l'illusion de ceux qui, nombreux, voient dans un retour au passé, religieux ou politique, une solution. L'Histoire, en tout cas, n'en a retenu aucun. La force du mouvement du monde est si grande qu'elle les broiera, leur laissant néanmoins le temps de leurs crimes. Nous y sommes en plein. On peut les combattre, les contenir au moins, mais en le faisant on ne donne aucune réponse à la question posée ci-dessus. Comment peut-on construire les vérités fortes capables de donner un sens et un ordre à ce mouvement que rien n'arrête ni n'arrêtera ? Libéralisme et socialisme essaient d'y pourvoir sans que plus personne ne donne foi à leurs rustines mal collées. C'est mieux que rien, mais c'est peu.
C'est bien là que devraient surgir les philosophes, s'il en existe encore.